Viceversa Littérature numéro 8/2014
Viceversa numéro 8/2014
Revue suisse d'échanges littéraires
Coédition Service de Presse Suisse.
Numéro spécial sur Berlin « Ancres berlinoises »
2014 | 16 x 24 | relié | 320 p.
ISBN 978-2-8290-0473-5
CHF 34.- | € 22.-
Voilà vingt-cinq ans que les bourrasques du XXe siècle ont fini par emporter le mur de Berlin. Et la ville réunifiée se présente aujourd’hui plus que jamais comme une destination privilégiée pour les artistes et écrivains d’Europe : bon marché, en pleine effervescence, elle prend des allures d’eldorado en matière de créativité et de liberté. Mais tout cela n’est-il que de la poudre de Berlimpinpin lancée aux yeux naïfs des histrions et gribouilleurs? Plaisanteries mises à part, Christa Baumberger a mis les voiles en direction de la capitale allemande pour comprendre le lien avec Berlin qu’entretiennent plusieurs auteures et auteurs suisses de générations différentes qui vivent ou qui ont vécu dans cette ville : Matthias Zschokke, Christoph Geiser, Ursula Fricker, Silvio Huonder, Stefanie Sourlier, Roman Graf et Thomas Hürlimann. Pourquoi tiennent-ils à Berlin? Quel chemin la ville se fraie-t-elle au sein de leur œuvre et, réciproquement, leur œuvre dans la ville ? À quel point la distance géographique et émotionnelle avec la Suisse se révèle-t-elle importante? Ramifications de canaux entourées de forêts mystérieuses, passé omniprésent qui marque paysages et personnes, évolution du Brandebourg en banlieue pour classe moyenne, transformation du quartier de Friedrichshain, les intérêts pour la ville sont nombreux et beaucoup d’auteurs ont eux-mêmes vécu un bon bout de son histoire, ainsi par exemple de Thomas Hürlimann fréquentant les bistrots critiques de Kreuzberg dans les années 1970 et 1980 et de Christoph Geiser arrivé en 1983 à Berlin alors que l’épidémie du sida touchait de plein fouet les milieux homosexuels. Le constat de ce dossier Ancres berlinoises est bien loin de l’image idyllique: «Dans une majorité significative de textes, il y fait froid, humide, sombre. […] Cette ville met la patience à rude épreuve, elle
n’est pas racoleuse pour un sou, il faut en trouver seul la clé.» Puisque la ville réelle prolonge sans limites ses bras dans l’imaginaire, la rubrique D’un ailleurs et le cahier d’inédits se font eux aussi berlinois. La métropole est perçue au travers des impressions photographiques de Pierre-Yves Massot, artiste suisse parti en résidence dans la capitale allemande pour s’interroger sur le thème de la mobilité et du mouvement dans notre société contemporaine.
Robert Walser, un des plus célèbres Suisses ayant habité Berlin, est convoqué quant à lui par un texte poétique de l’écrivain italien Claudio Piersanti, ainsi que par une allocution que Matthias Zschokke a tenue lors d’un colloque berlinois : si Zschokke refuse catégoriquement de prononcer un seul mot sur Berlin, il tente au contraire de se tenir au plus près, sans rien lâcher de son ironie légendaire,des énigmatiques et minuscules microgrammes de Walser. La fresque s’élargit : l’auteure romande Dominique de Rivaz présente un bulletin apocalyptique de la ville de Berlin, à tel point grouillant de bestioles et de statistiques inquiétantes que deux limaces en deviennent tout à fait sympathiques ; le Grison Leo Tuor suit la trace d’une bibliothèque rhéto-romane vendue au XIXe siècle par des chanoines à un Allemand, dont une partie s’est retrouvée dans la capitale et l’autre référencée sous le nom de Berlinka dans la Biblioteka Jagiellonska de Cracovie en Pologne; Christine Pfammatter met en scène un traditionnel fonctionnaire allemand surpris par une pluie de cendres ; et enfin, Pietro Montorfani fait de Berlin une île pour les poètes en partance: «Devant les ports de cités lacustres / – Genève, Zurich, Lugano – / les plus hardis se lancent à l’aventure, /rapportent des nouvelles du monde extérieur/ dans cette mer sans rivages qui se nomme Europe.»
Marion Rosselet