L’ère des régimes totalitaires a consacré dans les États communistes un art monumental destiné à construire un nouveau culte aux figures tutélaires et aux héros de la révolution. Ouvriers modèles, soldats exemplaires, pères fondateurs, Lénine, Staline ou encore Mao ont fait l’objet d’une production inédite de bustes, de statues et de monuments qui ont consacré le proletcultisme ou le réalisme soviétique. Ce patrimoine monumental issu des États ayant connu une expérience communiste fut déplacé, détruit ou oublié après la chute du mur de Berlin. Entre ce patrimoine monumental disparu ou menacé de destruction et les traces de la mémoire ouvrière en Suisse se dessine un abîme qui mérite d’être interrogé. Quels artistes et quels modèles artistiques ont été privilégiés par les activistes de la mémoire ouvrière ? Quelles figures politiques et quels moments de l’histoire ouvrière ont mobilisé les acteurs de la mémoire des partis et syndicats de la gauche helvétique ?
La disparition des grands ensembles industriels en Suisse romande et la désagrégation de la culture ouvrière ont participé à l’oubli des traces de la présence ouvrière. Nous faisons ainsi face à un double effacement. Marginalisés de la mémoire publique dominante, les lieux de commémoration du mouvement ouvrier ont souvent été oubliés en parallèle à la diminution de l’influence politique et culturelle du parti du travail et des principaux acteurs syndicaux.
Penser le mouvement ouvrier demande un effort de mise en lumière des lieux et des monuments oubliés, mais aussi de suivre les polémiques tissées autour des lieux emblématiques investis par la mémoire des partis de gauche et des syndicats. Cette double gymnastique semble nécessaire pour participer à une réflexion publique sur l’identité locale et nationale du mouvement ouvrier suisse, mais aussi plus généralement sur les interventions mémorielles et artistiques dans l’espace public.
Vous pouvez commander le livre en envoyant un courriel aux éditions d’en bas: contact@enbas.ch