La vocation féminine du maintien de la propreté ne s’est pas imposée toute seule. Dans son livre « Propre en ordre », G. Heller en explique les mécanismes.
Dans l’accomplissement quotidien des tâches domestiques, le maintien de l’ordre et de la propreté nous paraît aller de soi, comme une nécessité parfaitement naturelle. Ce qui est sain est forcément propre. Quoi de plus sain que la nature L’eau, l’air, la lumière, l’énergie solaire… Il faut lutter contre la pollution. Mais la propreté des gens, des vêtements, des logements, c’est affaire d’éducation, de bonnes habitudes, depuis toujours et pour tout le monde. Et c’est l’affaire des femmes, naturellement. Entretien, nettoyage, rangement ; travaux ménagers qui doivent être faits et bien faits, que la femme exerce ou non une activité professionnelle, qu’elle soit ou non aidée, que les autres membres de la famille partagent ou non ses corvées. L’ordre et la propreté sont des valeurs inconditionnelles. Elles restent, inconditionnellement aussi, imputées à la condition féminine, à un statut économiquement et culturellement dominé, dévalorisé. Pour comprendre comment s’exerce cette domination, il suffit d’imaginer non pas un ménage « mal tenu », mais la revendication féminine du droit à la saleté et au désordre. Où est la femme qui voudrait ‘assumer Quelle horreur, n’est-ce pas Quelle honte Toute femme intériorise ces valeurs comme si son propre honneur, sa propre image de soi était en jeu. Une telle mentalité n’est pourtant pas inscrite dans la « nature » féminine. Si la division du travail entre les sexes correspond à des mœurs communes à presque toutes les sociétés et à toutes les époques, la vocation féminine du maintien de l’ordre et de la propreté ne s’est imposée que dans l’Europe industrialisée, depuis deux siècles à peine ; et elle ne s’est pas imposée toute seule.
Extrait de Femmes suisses et le Mouvement féministe : organe officiel des informations de l’Alliance de Sociétés Féminines Suisses de 1983.
Vous pouvez commander le livre en envoyant un courriel aux éditions d’en bas: contact@enbas.ch